C’EST UNE VIS


Je pense Allez vous faire foutre, je pense Allez tous vous faire foutre, je pourrais dire Allez au diable si ça avait un sens, le plus important c’est Allez. Allez est comme pousser par la fenêtre, Allez vous faire, pousser d’une falaise, Allez vous faire foutre, pousser par la portière ouverte d’une voiture rouge lancée bien trop vite sur la route pourtant étroite, et abîmée, que je suis depuis trente ans avec le corps qui m’a été donné. Je pense Allez vous-en, et mon corps le même toujours le même, mon corps doit vivre Allez vous-en, pauvre corps sans pensée, obligé de vivre ma pensée à moi, obligé, forcé de faire avec Allez vous-en quand il aimerait peut-être simplement s’allonger en compagnie dans le noir, dans le silence au frais, ou bien ouvrir ses bras en grand, dans le plus grand des Venez, et Venez tous s’il vous plaît, le berceau de mes bras grands ouverts vous attend, et le cœur même brisé vous attend, précisément, le berceau est vide et le cœur est brisé êtes-vous si ignorants c’est Allez qui l’emporte, le penser parle aussi fort que le dire, la pensée a perdu son invisibilité elle pend au-dehors comme une langue, les mots pensés sont plus forts que criés, les pensées couteaux jetés à travers les maisons par-dessus les tablées et les lits, s’introduisant partout tandis que cœur brisé à répétition semble se taire dans corps semblant plié, cœur non sans force non sans pouvoir, ne pas confondre, cœur continuant Allez ou Venez organe réorganisant dans apparent silence cœur tenant tout ensemble en silence, mais ce n’est pas un clou c’est une vis.