EN SONS
SOUS PERFUSION
un atelier à l’école d’art | j’ai d’abord cru que je devais préparer quelque chose de spécial pour ojd mais quand j’ai demandé au professeur qu’est-ce que tu attends au juste le professeur m’a répondu que tu sois juste toi-même donc juste moi-même j’ai fait à ma façon je n’ai rien préparé pas de plan pas de réflexion pas de pensée pas d’anticipation je veux dire pas sur le plan cérébral mais sur le plan physique oui sur le plan matériel oui pareil et ça parce que mon cerveau n’a pas d’indépendance hors du corps voilà c’est commencé vous voyez je pense que je suis un athlète
donc tout ce que j’ai fait c’est m’entraîner en écrivant ce texte pour me rassurer sachant même que je ne le lirai pas et j’ai apporté avec moi beaucoup d’autres textes pour me rassurer pareillement certains sont en papier d’autres en voix il y a Marlon Brando Ingeborg Bachmann The Blind Boys of Alabama Gherasim Luca Bowie Bukowski Brautigan Tchekhov et Dylan il y a donc des suicidés et d’autres pas du tout et j’espère que tous ils voudront bien passer par les organes du corps ojd
en vérité ojd ça commence comme n’importe quel jour de travail ça commence avec ce qui est là au jour dit au début ça a toujours l’air lumineux et simple et définitif puis après ça s’agglomère ça s’agglutine ça se complique et le travail c’est de garder la luminosité et l’allant même quand ça devient noir càd de garder une bonne raison de ne pas aller se suicider
après avoir écrit ça je me sens bien con et sûrement c’est fait exprès ça fait aussi partie de mon travail de me sentir bien con pour un temps bien profondément con dans le sens de débile puis je viens le jour dit avec mon sentiment bien à vif de grande faiblesse bien con et mon mac mon micro ma lampe mon coussin et des séquences de textes càd des textes qui sont montés à mes oreilles et que je vous propose de lire et d’écouter ensemble pendant cette espèce de concert privé je ne peux pas mieux dire bien que ce soit la première fois de ma vie que je dise un truc pareil
c’est parce que je suis sous l’influence de 40 années d’interviews de Dylan que je viens de terminer de lire je suis encore sous perfusion ça roule dans mon corps en circuit fermé et ça aussi c’est mon travail je dois parler je dois dire ces mots j’y suis forcée pour qu’après l’éblouissement de la voix qui les dit ce soit leur circulation qui m’inonde le territoire et avec elle la déformation la transposition le mix ces couches épaisses et étrangères qui finiront par me déplacer enfin de moi-même
ces jours-ci Dylan m’a dit qu’il n’est pas un interprète et que contrairement aux interprètes il sait ce qu’il dit / que la personne qu’il doit impressionner en premier c’est lui-même / qu’il est attiré par ce qui est beau et menacé et blessé / que son univers est très petit et que c’est ce qui l’empêche d’être détruit / que s’il ne joue pas de musique il ne sent pas totalement en vie